Outils d’éducation aux droits du travail dans le programme du Chèque emploi-service

Guide des personnes usagères

3. Processus d’embauche
Importance de la vérification des antécédents judiciaires
Puis-je faire une vérification des antécédents judiciaires des candidates ? Ai-je le droit de leur poser des questions en entrevue sur ce sujet ?

Oui, vous avez le droit de procéder à la vérification des antécédents judiciaires d’une candidate. C’est une démarche très importante, parce que le lieu de travail est un domicile et que la personne qui reçoit les services du CES peut être considérée en situation de vulnérabilité. Toutefois, le programme CES est le seul mode de dispensation de services d’aide à domicile au Québec où la vérification des antécédents judiciaires des candidates n’a pas été institutionnalisée. En effet, les CISSS/CIUSSS sont responsables de cette étape pour leur personnel et ces établissements publics exigent des entreprises privées sous-traitantes qu’elles procèdent à la vérification des antécédents judiciaires du personnel à leur emploi.

 

Dans le CES, ce processus repose entre les seules mains de l’autogestionnaire, ou de la personne proche aidante qui gère la relation de travail. La vérification des antécédents judiciaires est importante, mais cette étape peut comporter des risques quant à la discrimination en emploi. Au Québec, seules les infractions en lien avec l’emploi et pour lesquelles une candidate n’a pas obtenu son pardon peuvent être un motif suffisant pour refuser une candidature.

 

Parfois, des organismes intermédiaires qui gèrent une banque de candidates préposées vont réaliser les démarches de recherche d’antécédents judiciaires. Une fois la vérification des antécédents réalisée par l’organisme, la personne qui peut procéder à l’analyse du lien entre l’infraction et l’emploi est celle qui sera le futur employeur (donc l’autogestionnaire ou une personne proche aidante).

 

La première étape quant à la vérification est d’obtenir le consentement par écrit de la candidate. Vous pouvez demander comme question à la candidate si elle a été reconnue coupable d’une infraction criminelle. Comme mentionné, vous ne pouvez pas refuser d’embaucher la personne pour ce motif, si l’infraction n’a aucun lien avec l’emploi. Vous pouvez aussi énumérer les infractions criminelles jugées incompatibles avec l’emploi, et demander comme question à la candidate si elle a été reconnue coupable d’une de ces infractions. La candidate doit vous répondre honnêtement. Elle doit aussi mentionner les infractions pour lesquelles elle a obtenu une absolution conditionnelle ou inconditionnelle (pardon). Rappelons que si la candidate a obtenu son pardon pour l’infraction en lien avec l’emploi, on ne peut refuser de l’embaucher pour ce motif.

Comment puis-je faire une vérification des antécédents judiciaires des candidates?

Il existe plusieurs options, mais elles coûtent plus ou moins cher. Une des seules options gratuites est disponible aux autogestionnaires de Montréal, car ils peuvent demander à l’organisme Ex aequo de procéder à ces vérifications pour elles (voir la section « Ressources »). Certains employeurs demandent aux candidates d’obtenir un certificat de bonne conduite, attestant qu’elles n’ont pas de casier judiciaire. Cette démarche comporte des risques quant à la discrimination en emploi, car elle donne parfois accès à des informations privées qui ne sont pas en lien avec des infractions criminelles. Un employeur qui refuse un emploi à une candidate parce qu’il a eu accès à des informations privées qui ne sont pas en lien avec des infractions criminelles ou qui refuse une candidate au motif qu’elle ne peut pas obtenir un tel certificat s’expose à des poursuites pour discrimination en emploi.

 

Voici les autres options disponibles. Des firmes privées procèdent à ces vérifications, les forfaits varient. En plus des banques de données contenant les renseignements confidentiels amassés par les policiers, certains forfaits donnent accès à des données économiques (prêts hypothécaires, faillites, cotes de crédit). La CDPDJ est d’avis que la collecte d’information devrait se concentrer sur les données importantes pour l’emploi et non sur les données financières de la candidate. Certains corps de police municipaux (autre que la Sûreté du Québec) offrent aux particuliers vivant sur leur territoire un service de vérifications des antécédents judiciaires dits « pour le secteur vulnérable », auquel a accès l’autogestionnaire du CES. Des frais s’appliquent souvent pour elle.

 

Enfin, la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ) offre un service de vérification à moindre coût. L’information y est publique, car collectée dans les plumitifs des cours municipales et criminelles partout au Québec. Il n’est donc pas nécessaire d’obtenir une autorisation de la candidate. L’autogestionnaire doit avoir des compétences techniques, afin de réaliser une recherche sur le site de SOQUIJ, et un abonnement mensuel est requis pour avoir accès à ce service. Il est possible de se désabonner lorsque le processus de recherche est terminé. Des frais s’appliquent pour chaque recherche et consultation.

Information confidentielle de la travailleuse
Lorsque j’embauche une travailleuse, le CLSC et le Centre de traitement du Chèque emploi-service me demandent de fournir certaines informations privées, comme le numéro d’assurance sociale de la travailleuse. Que dois-je faire avec ces renseignements privés?

Dans le processus d’embauche, vous avez amassé plusieurs données privées sur la travailleuse : emplois passés, adresse postale, antécédents judiciaires, numéro d’assurance sociale, etc. Une fois le processus d’embauche complété et les données demandées par le CLSC transmises (avec l’accord avec la travailleuse) vous devez les détruire. Ces données ne sont pas publiques. L’autogestionnaire ne peut pas faire une utilisation de ces données autre que ce pour quoi elles ont été amassées, et ne peut s’en servir pour porter atteinte à la vie privée ou à la réputation des travailleuses (article 37 du Code civil du Québec).

Interdiction de discrimination en emploi : ce qu’il faut savoir
Je souhaite embaucher une personne qui a certaines caractéristiques individuelles. Par exemple, je veux qu’elle soit jeune. Ou qu’elle soit plus âgée. Ou qu’elle soit d’une certaine nationalité. Ai-je le droit ?

Non. Au Québec, il est interdit de discriminer les candidates à l’emploi sur la base des motifs énumérés à l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne : la « race », la couleur, le sexe, l’identité ou l’expression de genre, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civil, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap. Ces caractéristiques individuelles n’ont rien à voir avec la formation, l’expérience et les compétences requises pour le poste.

 

Faites attention aux questions posées en entrevue, celles-ci ne doivent pas porter sur les caractéristiques individuelles d’une personne, comme son âge ou le fait qu’elle a des enfants ou non, etc.  Ces questions sont interdites par l’article 18.1 de la Charte, même lorsqu’elles sont posées pour « briser la glace » en entrevue. Le mieux pour l’employeur en processus de recrutement est de se concentrer sur les compétences qu’il recherche chez une candidate; par exemple la formation ou l’expérience en emploi. Par exemple, on peut chercher à recruter une personne qui sait conduire une voiture, parce que l’emploi comporte des déplacements. Ce qui est important est l’habileté à conduire et non de posséder une voiture. La question doit porter sur l’habileté à conduire et non sur la possession de la voiture.

 

L’une des seules questions liées aux caractéristiques individuelles qui est permise dans le cadre du CES est celle à savoir si la travailleuse est un homme ou une femme, lorsque les soins à donner sont intimes. Les autogestionnaires ont alors le droit de choisir une candidate femme ou un candidat homme. Aussi, dans de rares exceptions du CES, discriminer une candidate sur la base d’autres caractéristiques individuelles est possible. Des questions en lien avec les motifs prévus à l’article 10 pourraient exceptionnellement être justifiées, lorsqu’elles sont nécessaires pour vérifier que la personne dispose de certaines aptitudes ou qualités requises pour l’emploi (article 20 de la Charte). Nous en parlons plus loin en réponse à la question sur les personnes fumeuses.

 

L’interdiction de poser des questions concernant les caractéristiques personnelles protégées par la Charte touche tout le processus de recrutement. Les organismes locaux qui mettent en lien les personnes usagères et les travailleuses candidates du CES doivent également s’y conformer. La candidate qui se croit victime de discrimination à l’embauche peut porter plainte à la CDPDJ qui évaluera la recevabilité de la plainte et fera enquête, si elle juge sa plainte recevable.

Embaucher un homme ou une femme : exception pour les soins intimes
Je souhaite embaucher un homme, ou je souhaite embaucher une femme. Est-ce possible?

Vous pouvez exprimer une préférence pour l’embauche d’un homme ou d’une femme, lorsque les tâches comprennent des soins intimes comme l’aide au bain ou les soins d’hygiène et d’incontinence. L’autogestionnaire peut poser la question à savoir si la candidate est un homme ou une femme. Vous avez le droit de refuser d’embaucher une personne à cause de ce critère. Une bonne idée est de préciser dans l’offre d’emploi que vous cherchez une personne d’un genre donné.

 

Il s’agit d’un équilibre entre deux droits, tel que l’a décidé le Tribunal des droits de la personne. On ne peut discriminer une personne sur la base du sexe, de l’identité ou de l’expression de genre, selon la Charte des droits et libertés de la personne, car les personnes employées ont droit à l’égalité. Aussi, les autogestionnaires ont le droit à la sauvegarde de leur dignité, à l’intégrité de leur personne et à leur vie privée, comme indiqué dans Charte. Ces droits peuvent être compromis si les autogestionnaires ne peuvent choisir que ces soins spécifiques soient donnés par une femme ou par un homme. Cela devient donc une exigence professionnelle justifiée.

 

Toutefois, dans certains cas, la préférence de la personne usagère ne pourra être respectée.  En effet, selon des recherches scientifiques, les travailleuses embauchées de gré à gré comme celles du CES et qui prodiguent des soins intimes à domicile sont à risque de subir du harcèlement sexuel au travail. Cela arrive entre autres lorsque la personne usagère développe des problèmes cognitifs. La personne impliquée dans la relation de travail du CES et intervenant à l’étape du recrutement (personne proche aidante ou organisme communautaire, par exemple) peuvent avoir des inquiétudes à ce sujet, à cause des agissements passés de la personne usagère. Dans cette situation, aller à l’encontre du souhait exprimé par cette dernière est possible.

Questions par rapport au statut parental et matrimonial
Je ne souhaite pas embaucher une jeune femme, car j’ai peur qu’elle tombe enceinte. Ai-je le droit de discriminer les jeunes femmes et puis-je lui demander si elle veut des enfants?

Non. Ce n’est pas permis de discriminer une candidate selon son sexe, sa grossesse ou son état civil – l’état matrimonial (mariée, célibataire, conjointe de fait) et fait d’avoir des enfants est considéré comme faisant partie de l’état civil. Les questions permises en entrevue à ce sujet n’existent pas. Par contre, vous pouvez interroger une candidate sur sa disponibilité à certains moments, selon l’horaire de travail.

Embaucher une personne fumeuse ou non fumeuse
Puis-je exiger que la travailleuse soit non fumeuse?

La plupart du temps, vous ne pouvez pas exiger cela. Il a été reconnu que la dépendance au tabac est un handicap. On ne peut pas discriminer une candidate sur la base du handicap, selon la Charte des droits et libertés de la personne. Des exceptions peuvent être permises à cette règle. Par exemple, si la seule odeur du tabac déclenche des vomissements ou des maux de tête chez l’autogestionnaire, cette personne pourrait embaucher une personne non fumeuse. Dans ce cas, la discrimination exercée à l’embauche pourrait être considérée comme une exigence professionnelle justifiée, comme nous l’expliquons dans la prochaine question.

 

Lorsque vous embauchez une travailleuse, vous avez le droit de refuser qu’elle fume dans votre maison.

Autres exceptions
J’ai bien compris que je ne peux pas discriminer une personne selon ses caractéristiques personnelles au moment de l’embauche. Mais, dans mon cas, il semble que ce soit absolument nécessaire d’exiger de la travailleuse qu’elle possède certaines caractéristiques personnelles. Que faire?

Dans de rares cas, les caractéristiques personnelles d’une travailleuse peuvent être considérées comme une exigence professionnelle justifiée. La candidate peut se plaindre à la CDPDJ. Si l’organisme juge que la plainte est recevable, le futur employeur a la charge de faire la démonstration que le lien entre la caractéristique personnelle et l’exigence liée à l’emploi est logique, qu’il n’avait pas le choix de procéder ainsi et que l’atteinte aux droits de la travailleuse est la plus minimale possible. Gardez en tête qu’il s’agit de circonstances sérieuses et essentielles pour l’emploi, et non où les caractéristiques personnelles d’une candidate créent un léger inconfort. Par exemple, un autogestionnaire qui a de violents maux de tête à cause de l’odeur du tabac sur les vêtements d’une personne fumeuse est une situation où l’intégrité de la personne peut être compromise si elle embauche une personne fumeuse.

Attention aux questions personnelles
Est-ce que poser des questions quant aux caractéristiques individuelles des travailleuses est une pratique permise lorsque je veux simplement briser la glace?

Il n’est pas permis de poser des questions liées aux caractéristiques individuelles des travailleuses en entrevue, même pour briser la glace. Advenant une plainte déposée à la CDPDJ par une candidate, l’élément pris en compte sera l’effet d’une telle question sur la candidate, et non l’intention de la personne qui a posé la question.